Ce mémoire interroge la féminisation croissante des cuisines professionnelles, historiquement structurées comme des espaces masculins hiérarchisés, en questionnant ses impacts sur les dynamiques de genre, les pratiques culinaires et les structures organisationnelles. La problématique posée : « Comment la féminisation des cuisines professionnelles se développe-t-elle dans la société contemporaine et quels sont ses impacts sur les dynamiques de genre, les pratiques culinaires et les structures organisationnelles ? », guide une analyse rigoureuse articulant sociologie du genre, sociologie des professions et anthropologie de l’alimentation. L’enquête repose sur une méthodologie qualitative combinant entretiens semi-directifs (cheffes, journaliste spécialisée, chef étoilé) et analyse thématique croisée, permettant de saisir la pluralité des trajectoires et des discours dans différents contextes professionnels (gastronomie, bistronomie, ruralité, établissements étoilés). Trois hypothèses structurent ce travail. D’abord, si la féminisation quantitative progresse dans les formations culinaires, elle n’entraîne pas mécaniquement une transformation qualitative des rapports de pouvoir dans les cuisines professionnelles. Les stéréotypes persistants, les violences sexistes et les exigences de légitimation témoignent d’un maintien des normes masculines, malgré quelques micro-transformations locales liées à des styles managériaux plus collaboratifs. Ensuite, la présence accrue des femmes contribue à une diversification des approches culinaires (sensibilité aux produits, durabilité, relation client), mais ces apports restent marginalisés dans les circuits de légitimation et peinent à transformer les normes dominantes. Enfin, la féminisation ne produit que très partiellement des ajustements structurels : si certaines cheffes mettent en place des initiatives individuelles favorisant l’inclusion, les politiques d’aménagement du travail, de mentorat ou de lutte contre les discriminations demeurent rares et non systématisées. Les résultats confirment ainsi que la féminisation quantitative n’est pas synonyme d’égalité réelle dans les cuisines professionnelles. L’inertie structurelle, le plafond de verre, les stéréotypes genrés et la faible prise en compte des contraintes spécifiques aux trajectoires féminines constituent des freins majeurs à une transformation en profondeur du secteur. Toutefois, des leviers de changement apparaissent, tels que la reconnaissance institutionnelle des compétences féminines, la promotion de politiques inclusives, et la visibilisation médiatique équitable des cheffes, ouvrant des pistes pour une gastronomie plus juste et pluraliste. En conclusion, ce mémoire contribue à penser la cuisine comme un espace politique où se rejouent rapports de pouvoir, créativité et transmission, nécessitant une refonte des imaginaires collectifs et des structures organisationnelles pour favoriser l’égalité de genre dans la restauration contemporaine. Il invite à poursuivre la recherche sur ces questions par des études comparatives internationales et des analyses de l’impact des politiques publiques, dans la perspective d’un secteur gastronomique plus inclusif et durable.
This thesis examines the increasing feminization of professional kitchens, historically structured as hierarchical male-dominated spaces, by questioning its impacts on gender dynamics, culinary practices, and organizational structures. The research question—“How is the feminization of professional kitchens developing in contemporary society, and what are its impacts on gender dynamics, culinary practices, and organizational structures?”—guides a rigorous analysis that articulates gender studies, sociology of professions, and the anthropology of food. The investigation is based on a qualitative methodology combining semi-structured interviews (with female chefs, a specialized journalist, and a Michelin-starred chef) and a cross-thematic analysis, allowing for an understanding of the plurality of trajectories and discourses across various professional contexts (gastronomy, bistronomy, rural settings, Michelin-starred establishments). Three hypotheses structure this work. First, while quantitative feminization is progressing within culinary training programs, it does not automatically lead to a qualitative transformation of power relations within professional kitchens. Persistent stereotypes, sexist violence, and the demands for legitimization illustrate the maintenance of masculine norms despite some localized micro-transformations linked to more collaborative managerial styles. Second, the increased presence of women contributes to a diversification of culinary approaches (greater sensitivity to ingredients, sustainability, client relations), yet these contributions remain marginalized within circuits of legitimation and struggle to transform dominant norms. Finally, feminization only partially leads to structural adjustments: although some female chefs implement individual initiatives promoting inclusion, policies related to work arrangements, mentorship, or combating discrimination remain rare and unsystematic. The findings thus confirm that quantitative feminization is not synonymous with genuine equality within professional kitchens. Structural inertia, the glass ceiling, gendered stereotypes, and the limited consideration of constraints specific to women’s career trajectories constitute major barriers to deep transformation within the sector. However, levers for change are emerging, such as institutional recognition of women’s skills, the promotion of inclusive policies, and equitable media visibility for female chefs, paving the way toward a fairer and more pluralistic gastronomy. In conclusion, this thesis contributes to conceptualizing the kitchen as a political space where power relations, creativity, and transmission are renegotiated, requiring a reconfiguration of collective imaginaries and organizational structures to promote gender equality in contemporary gastronomy. It calls for continued research through international comparative studies and analyses of the impact of public policies, with the perspective of fostering a more inclusive and sustainable gastronomic sector.