Introduction : Les pathologies psychiatriques des médecins sont considérées depuis plusieurs années, en France et à l’étranger, comme une préoccupation majeure. Pourtant, le sujet reste aujourd’hui encore tabou au sein de la population médicale. Le but de l’étude a été d’évaluer la fréquence de la symptomatologie dépressive des médecins de famille ainsi que l’influence des variables socioprofessionnelles.
Matériel et méthodes. Il s’agit d’une étude isolée, descriptive, transversale, sur la période de septembre à décembre 2014. Nous avons inclus 180 médecins généralistes libéraux, installés, exerçant en Maine et Loire, Sarthe et Mayenne. Après randomisation, l’échantillonnage a été réalisé par la méthode des quotas, selon des classes d’âge et de sexe. À l’aide d’un questionnaire, nous avons recueilli des variables sociodémographiques et professionnelles, le ressenti des médecins sur leur pratique, nous avons évalué la présence d’une symptomatologie dépressive par le biais d’une échelle auto-évaluative (CES-D) ainsi que la qualité de leur prise en charge médicale.
Résultats : Le taux de réponse était de 69%. L’étude révélait que 18.3% des médecins présentaient une symptomatologie dépressive. Les médecins de sexe masculin, ayant un sentiment de reconnaissance insuffisante de la part de leurs patients, ou ceux ressentant un isolement socioprofessionnel ou familial étaient significativement plus déprimés que leurs confrères. A contrario, exercer en milieu rural ou dans un cabinet collectif ainsi qu’avoir une secrétaire, se révélaient être protecteur vis à vis de la dépression. De plus, il ressortait que les médecins déprimés présentaient un temps de travail hebdomadaire plus important que leurs confrères. Par ailleurs, les médecins déprimés prenaient quatre fois plus de psychotropes, en majorité des hypnotiques et des anxiolytiques. Ces psychotropes provenaient pour 88% de l’automédication. Ils étaient neuf médecins généralistes sur dix à être leur propre médecin traitant. Enfin, ils étaient 36,4% des médecins déprimés à évoquer « des difficultés d’écoute et d’empathie », 18,2% à éprouver des difficultés relationnelles avec leurs collègues, 12,1% avouaient des erreurs thérapeutiques et 6,1% des erreurs diagnostiques.
Discussion : Il existe à l’heure actuelle peu de chiffres sur ce sujet, cependant les quelques études existantes sont concordantes avec nos résultats. Dans ce contexte de démographie médicale défavorable, il semble important d’organiser un réseau de soins spécifique tenant compte des particularités des médecins de famille et notamment de leur réticence à consulter un confrère.
Conclusion : Cette étude est la première à évaluer la dépression chez les médecins de famille en Maine et Loire, Sarthe et Mayenne. Le taux de dépression dans notre étude est plus de deux fois supérieur à celui de la population générale française.
Introduction : Physicians’ psychiatric pathologies are considered as a major concern in France and abroad since several years. However, this subject remains taboo among the medical population. The purpose of the study was to estimate the frequency of the depressive symptomatology among general practitioners and the influence of socio-professional variables.
Materials and methods : This is a single, descriptive and interdisciplinary study, which took place over the period from September to December 2014. 180 self-employed GPs practising in Maine et Loire, Sarthe and Mayenne were included in the study. After randomization, the sampling was carried out by the quota method, according to age and sex classes. A questionnaire has enabled the collection of socio-demographic and professional variables, doctors’ feelings about their practice and the quality of their medical care. The presence of a depressive symptomatology was assessed through a self-evaluative scale (CES-D).
Results : The response rate was 69%. The study revealed that 18.3% of physicians had a depressive symptomatology. Male physicians, with a feeling of lack of recognition from their patients, or those feeling a socio-professional or family isolation were significantly more depressed than their colleagues. Conversely, practising in a rural community or in a group practice as well as having a secretary, turned out to be protective concerning depression. Moreover, it appeared that depressed doctors had a more important weekly working time than their colleagues. Moreover, depressed doctors took four times more psychotropics than their peers, mostly hypnotics and anxiolytics. These psychotropics came for 88% from self-medication. There were nine in ten GPs to be their own doctor. Finally, they were 36.4% of depressed doctors to evoke "listening and empathizing difficulties"; 18.2% of them experienced relationship difficulties with their colleagues; 12.1% admitted therapeutic mistakes and 6.1% admitted diagnostic errors.
Although there are currently few numbers in the literature, the few existing studies are consistent with our results. Thus, in this context of adverse medical demography, it seems essential to organize a specific care network considering the specificities of general practitioners, including their reluctance to consult a colleague.
Conclusions. This study is the first one to assess depression among general practitioners in Maine et Loire, Sarthe and Mayenne. The rate of depression in our study is more than twice higher than the French general population.