La prise en charge de la déviance assurée par la Justice pénale mobilise le concours de plusieurs types de professionnel-le-s, en vue de la construction d’un dossier à partir de faits et d’éléments de personnalité, qui sera jugé au Tribunal. Parmi ces professionnel-le-s, les enquêteurs-trices sociaux et les expert-e-s sont charge de l’investigation de la personnalité, les avocat-e-s utilisent les deux types d’éléments pour la défense, et enfin les magistrat-e-s tranchent, tant sur la culpabilité que sur la peine adaptée. L’ensemble de ces intervenants, qui « examinent » successivement les prévenu-e-s mobilisent dans leur travail des stéréotypes et des représentations sociales genrées, tant pour reconstruire les faits que pour interpréter les éléments de situation personnelle. Cette enquête s’efforce de les décrire et d’analyser les mécanismes de production de genre par la Justice pénale. Le genre dans l'activité et les discours des professionnel-le-s de la Justice pénale est une grille d’analyse qui explique à la fois le traitement différentiel (des femmes) comme le traitement « normal ». Le traitement de l’ensemble des justiciables est marqué par la mobilisation de rôles sociaux genrés, comme terrain d'activité et catégories d'analyse (de ces professionnel-le-s), la sexualité et les violences offrent un miroir grossissant de l’utilisation de ces stéréotypes. Les résultats de cette enquête observe la pertinence du genre pour rendre compte des mécanismes de construction et d’évaluation de la culpabilité pénale. À travers le recensement d’un certain nombre d’attentes extra-légales des professionnel-le-s, l’aspect genré de ces exigences s’est manifesté. Enfin les tensions et l’analyse des rapports de pouvoirs dans l’arène judiciaire ont permis de démontrer l’indissociabilité du genre et de la classe sociale. Cette enquête soutient la thèse d’une construction réciproque et d’une intime liaison du genre et de la Justice pénale.
In the field of criminal justice, the opinion of several professionals comes into play to handle social deviance in order to build up a file relying on facts and personality traits that will be judged in court. Among these professionals, criminal court social workers and experts are in charge of investigating characters. The lawyers of the accused use both sorts of evidence before the judges decide on the guilt or the innocence of the accused as well as his sentence. All these people successively hearing the accused have recourse to stereotypes and gendered social representations in order to reconstitute the facts and interpret the elements of the personal life of the accused. This essay sets out to describe and analyse the mechanisms of gender production at play in the criminal justice system. Gender in the activity and discourse of criminal justice professionals is an analytical grid that explains both differential treatment (of women) as “normal” treatment. The treatment of all litigants is marked by the resort to gendered social roles as field of activity and categories of analysis. To this regard, sexuality and violence offer a magnifying mirror of the use of these stereotypes. The results of this survey observe the relevance of gender in reporting on the mechanisms coming into play in order to construct and assess criminal culpability. Through the identification of a certain number of extra-legal expectations of professionals, the gender aspect of these requirements became apparent. Finally, the analysis of power relations in the judicial arena allows us to demonstrate the indissociability of gender and social class. This investigation supports the possible thesis of a reciprocal construction and of a closed relationship of gender and criminal justice.